Le 8 mars dernier, c’était la
Journée de la femme. À ce sujet, j’ai lu beaucoup d’articles concernant l’évolution
et la place de la femme dans la société. Puis, par hasard, une réservation que
j’avais effectuée à la bibliothèque est arrivée cette même journée : Reflets dans un œil d’homme de Nancy Huston. De quoi alimenter mes réflexions…
Mes thèmes de prédilection :
la maternité et l’alimentation.
Depuis que je suis toute petite,
on me dit que je peux faire comme les hommes, que nous sommes tous égaux et qu’il
n’y a pas de différences entre les genres. La journée de la femme me rappelle
toujours qu’il n’y a pas assez de postes en construction, en politique et en
gestion occupés par des femmes. Je me sens coupable.
À ma mère, on lui a dit qu’elle
devait faire garder ses enfants pour travailler plus de 40 heures par semaine.
On lui a aussi dit que de cuisiner pour sa famille était rétrograde. Quoi, tu
veux servir ton mari comme une femme au foyer? Ma mère ne fait rien qui est considéré
comme typiquement féminin : elle bricole, elle rénove, elle a géré des
entreprises, elle n’aimait pas cuisiner et elle ne porte même pas de jupes!
Ben oui, les femmes dans la construction toi! |
Moi, j’ai toujours été attirée
par des passions ou des emplois typiquement féminins, malgré moi. Quand la
maternité m’a frappée de plein fouet, mon enfant et ma famille sont devenus mes
priorités. Faire garder mon fils à temps plein? Mais je n’ai qu’un enfant et ça
passe si vite la petite enfance! Manger des repas préparés? Mais le monde de la
cuisine est si créatif et invitant, j’ai faim!
Je ne suis pas le modèle de femme
que l’on valorise dans la société. En fait, j’ai souvent l’impression qu’on
aspire toutes à devenir des hommes. Et quand je parle comme ça, on me reproche
de vouloir revenir au modèle de la femme au foyer… Misère… Vous ne comprenez
pas…
Les femmes, on a arrêté de cuisiner pour s’affranchir, pour
devenir plus libres. Mais on devient, par le fait même, esclaves de la société
de consommation. Si on ne peut même plus répondre nous-mêmes à un besoin aussi
essentiel qu’est celui de se nourrir, vive la liberté!
Même nos Sims ne savent plus faire à manger! |
Le savoir ne s’est pas transmis. On cuisine avec des
enveloppes et des sauces achetées. Même chose avec les enfants, on les fait
garder, tout le temps. On a galvaudé l’expression C’est mieux de passer du temps de qualité avec notre enfant qu’être
tout le temps présent! comme si on ne pouvait pas simplement passer
beaucoup de temps de qualité avec son enfant et comme si tous les parents qui
arrivaient à six heures du boulot passaient toujours des moments de qualité
avec leur progéniture. Quand je regarde le nombre de petits du primaire qui écoutent
des émissions comme Occupation Double, si c’est ça passer du temps de qualité…
Je passe du temps de qualité avec la gang d'Occupation Double! |
C’est comme l’expression Carpe
diem qui est devenu l’emblème des cartes de crédit. On est loin de la
Société des poètes disparus! Dépenser aujourd’hui, payer plus tard. Vivre le
moment présent, ne pas penser aux lendemains.
Des fois, quand je cuisine, j’ai
l’impression d’être une moins que rien, une esclave et que je fais reculer la
cause de la femme de 50 ans. Bon sang que c’est inscrit dans nos cerveaux tout
ça! Je passe l’aspirateur? Ça y est, je suis une femme au foyer. Je lave les vêtements
de mon chum? Exploitée!
Pourtant, quand mon chum fait les
mêmes tâches (et il les fait), il est perçu comme un héros! Il lave mes
bobettes!!! WOW! Moi, je suis là par défaut. Un homme m’a déjà dit, à l'époque, quand je
lui ai annoncé que j’étudiais en enseignement : « Ouais, mais on n’a pas besoin de femmes en enseignement, il faut des
gars! Tsé, les p’tits gars ont besoin de modèles masculins. Il y a trop de
femmes en enseignement! ».
Ben merci, mais pour l’instant,
je suis là. Pis pas toi.
Alors, je suis là en attendant
que les hommes prennent ma place? En mode, en cuisine, en relations d’aide, les
femmes sont là en attendant. Super!
Quand on voit des listes de
femmes qui réussissent et qui s’accomplissent, on voit rarement les femmes qui
se donnent corps et âme avec les malades dans les hôpitaux et avec les poqués
de la société dans les organismes communautaires, les enseignantes, les
éducatrices en garderie, les cuisinières de cafétéria… On ne voit que des
femmes à tailleur qui travaillent 70 heures par semaine comme les mecs.
Ce n’est pas en devenant un homme
que je vais être libre. Je veux un autre modèle!
Je ne sens pas que les femmes
sont encore tout à fait libres. Comme je gagne moins cher que mon chum même si
je suis allée à l’Université et pas lui, j’ai l’impression que je dois en faire
plus à la maison. C’est bête, hein? Mais c’est inconscient, je recherche l’égalité.
Et si aujourd’hui je privilégie ma famille, demain, quand mon fils sera grand,
je veux continuer de prendre toute la place qui me revient, sans embûches. Et,
je ne crois pas que je sois dans le camp des privilégiés.
Quand j’entends un fermier qui
dit à L’Amour est dans le pré qu’il désire
une femme au foyer, ce n’est pas tant le fait qu’il y ait encore des gars qui recherchent
ce modèle qui me choque, mais tout ce que cela sous-entend : Je veux une femme qui ne travaille pas, qui
s’occupe des enfants, qui fait mes lunchs, qui s’occupe de moi comme le faisait
ma maman et SURTOUT, je ne m’occuperai pas des enfants, je ne cuisinerai jamais
et je ne ferai pas de ménage.
J’ai l’impression qu’il faut
remettre la famille au centre de nos priorités et que cela ne doit pas être uniquement
une responsabilité féminine. Le père doit prendre des congés parentaux pour s’occuper
de ses enfants. Il est inadmissible qu’en 2013, un homme ne souhaite même pas
prendre quelques semaines pour être avec son enfant. Plusieurs chercheurs s’entendent
d’ailleurs pour dire que les pères qui s’occupent tôt de leurs enfants ont
tendance à le faire par la suite et à mieux s’impliquer dans la division des
tâches. (Le Devoir, 9 mars, Pères à temps plein un jour...)
Et qu'est-ce que ça donne plus
tard? Si l’homme apprend à s’occuper des siens, il risque aussi de s’occuper
des autres, des malades, de ses parents et ainsi partager avec la femme ces
rôles très demandant. (Le Devoir, 9 mars, Pères à temps plein un jour...)
Puis avec l’obligation des hommes
de prendre des congés parentaux, l’accès à l’emploi pour des postes plus
payants est plus facile pour les femmes. Un employeur sachant que l’homme ou la
femme peut prendre à tout moment un congé parental ne laisse plus de côté des
femmes compétentes au profit d’un homme sans utérus.
Et des fois, je me dis : À
quoi ça sert de faire des enfants si c’est pour toujours laisser la société s’en
charger?
Si tu n’as pas le temps de t’occuper
d’un poisson rouge parce que tu travailles trop, imagine un enfant deux
minutes!
Ce n’est pas obligatoire de faire
des enfants. On n’est pas plus femme
parce qu’on vit la maternité, ça n’a rien à voir. Les femmes ont le droit de ne
pas faire d’enfants et elles ne sont pas égoïstes et sans cœur pour autant.
Ça aussi, c’est inscrit solidement
dans les cerveaux! Je pense que ce serait le temps de se déprogrammer un petit
peu, non?
Je ne veux pas qu’on revienne en
arrière. Je veux juste trouver ma place de femme. Je veux que les parents qui
décident de faire des enfants prennent leurs responsabilités.
Je veux juste que les humains deviennent
plus importants que l’argent…