Je me suis toujours dit : « Ce
n’est pas parce que tu écris sur un blogue que tu dois en faire un défouloir,
un objet pour te venger de tous les gens idiots que tu rencontres. »
Écrire sur Internet a cela de
tentant, mais en même temps, comme partout, il faut toujours réprimer nos
petites colères intérieures.
Parce que si les citations du
beau-frère peuvent être très drôle racontées sur Internet, dans les partys de
Noël avec la belle-famille, c’est autre chose… Et là, je ne parle pas
réellement de mon beau-frère, c’est un exemple. (Je me protège.)
Pour en revenir à mon omnivore inconnu…
Je t’ai rencontré la semaine
dernière dans un party où personne ne te connaissait. Il y a des gens comme toi
qui surgissent de nulle part, invités par je ne sais qui, super à l’aise et qui
veulent tout simplement faire la fête. J’approuve à 100 %.
Des pizzas sont arrivées, pizzas à
la viande, il va sans dire. Tu m’as dit :
-Tu n’en manges pas?
- Euh, non, merci.
-Pourquoi?
-Je n’ai pas faim.
Et c’était ÇA la vraie réponse,
je n’avais PAS faim! Mais tu as continué comme si tu cherchais quelque
chose :
-Allez, mange de la pizza! Pourquoi
tu ne veux pas en manger?
Exaspérée, j’ai dit :
-Je ne mange pas de viande.
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAh!
J’aurais dû me la fermer parce que ta première réaction a été :
-Tu sais qu’on a toujours mangé
de la viande?
Et là, tu m’as servi toutes les
conneries qu’on entend sur le végétarisme depuis 40 ans comme si j’étais née la
veille.
Oui, tu as un ami végétalien qui
est tout le temps malade, car il ne mange pas de viande. Il est pire que moi,
tu as dit, car moi je mange encore du fromage et des œufs… (Si tu savais le
nombre de jours par année où je ne consomme pas ces aliments… Tu m’aurais
probablement trouvée moins en santé…)
Mais tu sais, mon omnivore
inconnu, moi aussi j’ai des copains qui sont souvent malades. Je suis même
malade moi aussi des fois. À l’urgence, imagine-toi donc qu’il y a plein de
gens malades. Et je vais te dire un secret, oui, des omnivores malades, ça
existe aussi. Oui, oui, je te le jure.
Bon, tu n’étais pas si chiant que
ça en fin de compte et on a réussi à trouver un terrain d’entente. Quand je
t’ai dit que je me foutais bien du fait que tu mangeais de la viande, que je
n’étais ici pour convaincre personne de devenir végé, tu t’es mis à me parler
de tous ces documentaires sur le gaspillage et l’environnement que tu
regardais.
Oui, toi aussi, la viande
industrielle, ça t’inquiète. Pour reprendre tes mots, tu trouves même ça
dégueulasse. Le gaspillage alimentaire aussi ça te révolte, tu me l’as confié.
Mais il y a quelque chose qui m’a
profondément ennuyée dans ce que tu m’as dit et je te l’ai signifié : « On
ne peut rien y faire. »
Le pessimisme, le défaitisme et
le déterminisme, ça me tue.
Tu vois, j’ai été éduquée à la
vieille méthode, à coup de « Pas capable est mort, son fils s’appelle
Essaye», c’est peut-être pour ça.
Je refuse de me croiser les bras.
Je ne fais que de petites choses,
je ne suis pas très grande. Mais je les fais. Et mon environnement change.
***
Il y a dix ans, personne autour
de moi ne mangeait végé.
Maintenant, j’ai plein d’amis soucieux
de l’environnement et de leur santé qui mangent moins de viande et d’autres qui
goutent de nouvelles saveurs sans broncher.
Il y a dix ans, mes amis et moi,
on ne se faisait pas à manger et on courait les restos de fast-food.
Maintenant, on s’échange des
trucs de cuisine, on parle de recettes, on explore.
Il y a dix ans, cuisiner était
une perte de temps grandiose. Avoir l’air au-dessus de ses affaires et trop
occupé pour cuisiner était la norme.
Maintenant, les gens autour de
moi prennent plaisir à partager de bons repas cuisinés et certains sont devenus
d’extraordinaires chefs!
Je ne veux pas dire que je suis
la source de tous ces changements, loin de là. Mais en respectant les gens
autour de moi qui ne faisaient pas les choses nécessairement à ma façon, on a
pu construire quelque chose tous ensemble.
Et quand je regarde l’évolution
de notre blogue, c’est pas mal ça que je vois. Un lieu de rassemblement pour
les gens qui, peu importe ce qu’ils mangent au quotidien, ne veulent plus se
croiser les bras.
***
Je ne sais pas si tu es retourné
chez toi en repensant à notre discussion, omnivore inconnu.
Je ne t’ai pas revu de la soirée.
Peut-être que tu n’existais même pas et que je parlais seule en plein milieu de
la pièce une bière à la main… J’espère que non, pour ma dignité.
Mais si un jour tu passes par
ici, je t’expliquerai en détail pourquoi ça ne me coute qu’environ 100 $
par semaine pour nourrir trois personnes, chose que tu ne croyais pas du tout
et qui t’étonnait énormément.
Peut-être, je dis bien PEUT-ÊTRE qu’il y a un rapport avec le fait que je sois végétarienne…
La semaine prochaine, je
m’adresserai à toi, illustre inconnu, qui me disait que la bière québécoise
était dégueulasse. Non, c’est vrai, j’ai dit que je ne voulais pas faire de ce
blogue un défouloir…
Bonne fin de semaine!