Si je suis aujourd'hui cuisinier et que je poursuis un cours à l'interne afin de maîtriser les bases et parfaire mes connaissances, je peux vous dire candidement que je n'aurais jamais parié sur l'atteinte de mon autonomie alimentaire.
Permettez-moi de retourner dix ans en arrière, afin de constater un peu le chemin parcouru...
C'était l'époque où le fait de manger n'était même pas un sujet de questionnement, et très loin encore d'un sujet de discussions.
J'avais faim et je mangeais. Et il fallait que ça soit vite fait, car je ne prévoyais rien à l'avance. Aucun sens de la préparation - étape si cruciale - aucune vision à moyen ou long terme - bref, à la merci des sections congelées et repas préparés de l'épicerie, à genoux devant le fastfood le plus près...
Comme mon chat, il fallait seulement remplir mon écuelle de croquettes ou de ses équivalents pour les humains. Et je ronronnais.
C'est Daniel Pennac qui dit dans Comme un roman qu'à notre époque, le temps que l'on consacre à lire et à vivre une relation amoureuse, c'est du temps volé, qu'on grapille ci et là dans le courant de notre vie au débit furieux. J'ajouterais que le temps de se faire à manger comme il faut est du même acabit.
Mais que s'est-il donc passé pour que ça change ?
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Je ne suis pas végétarien. Et pourtant...
Au fil des ans, peu à peu, je fus encerclé par une meute de végétariens. Pas des farouches, on s'entend, donc je ne me suis pas senti menacé ! Mais des tenaces...
Des tenaces qui ont adopté ce mode de vie pour différentes raisons. Des proches qui n'ont jamais voulu me convertir - j'utilise ce mot à résonnance religieuse pour manifester mon dégoût des dogmes, qu'ils proviennent des VG ou des Baconators...
Donc, il y a eu la soeur Tofu et sa petite famille. Puis la femme que je fréquentais - puis d'autres ensuite - la soeur cosmique et plus récemment le vieux frère et coloc.
Il y a aussi les ami(es) omnivores qui m'invitent à souper en me spécifiant que le repas sera végé - car ils savent que je ne ferai pas la fine bouche devant un repas sans viande saignante...
Une meute, je vous disais !
Et il y a la réaction de ceux et celles qui savent que j'aime me préparer des trucs végétariens - qui s'assurent donc, inconsciemment ou non, que je ne manque pas de viande dans ma vie.
Au milieu de toutes ces sollicitations, je ne suis pas à plaindre. Je me sens plutôt désiré !
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Toutes ces influences dans la balance et la voilà mon évolution vers l'autonomie culinaire. Ne pas craindre de modifier les habitudes et routines, de tout chambouler s'il le faut, de cartographier de nouveaux continents. Faire le bonheur du petit explorateur humaniste en moi et prendre le large...
Henry Miller écrivait quelque part qu'il n'y pas une journée où nous n'envoyons pas valser les plus beaux de nos élans à l'abattoir. Et que la grande majorité d'entre nous vivait en déça de son potentiel.
C'est alors qu'on se met à planifier nos repas longtemps à l'avance, qu'on fait des dizaines de fois une recette avant qu'elle concorde avec nos attentes, qu'on calcule même le cost par portions d'une autre avant de s'écrier :
- Merde, mon gars ! Trois piasses l'assiette généreuse et j'ai mangé comme un roi !
Les croquettes, c'est pour les minous...
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Et les conquêtes se poursuivent.
Se dépasser. Toujours.
Il est à toi, ce petit texte naïf, influence de ma vie.
Et aussi à toi, qui a volé quelques minutes pour me lire...
Au fait...
...Qu'est-ce qu'on mange pour souper ?