La nouvelle a fait le tour du monde rapidement : il y aura une pénurie de bacon en 2013.
En fait, quand je dis « le tour
du monde », je parle de celui des Occidentaux, évidemment. Ce ne sont pas
les habitants d’un des 80 pays qui subiront une crise alimentaire au cours des
prochaines années qui pleureront sur votre sort.
Eux, les céréales, ils les mangent,
ils ne les donnent pas à leurs animaux. En fait, plus simple encore : ils
n’en ont plus et ils ne les mangent plus.
Alors, semblerait-il que le prix du porc va
augmenter au cours de la prochaine année passant d’environ 0,50 $ à 1 $
de plus le kilo. Pas le choix, les sécheresses ont fait grimper le prix des
céréales et comme les animaux de ferme ne mangent que ça, il en coûte
maintenant 180 $ pour élever un porc malgré le fait qu’il ne peut être
vendu que 150 $ sur le marché.
Ce n’est pas ce qui va aider les
fermiers déjà surendettés à joindre les deux bouts.
Mais est-ce réellement à cause des sécheresses
et des changements climatiques?
On ne peut pas encore prouver de lien
de cause à effet qui expliquerait tout, malheureusement. Mais d’autres pistes
pourraient être considérées pour accuser cette hausse de prix des denrées de
base comme la transformation des cultures alimentaires en cultures des
agrocarburants ou… la spéculation financière!
En 2010, Nicolas Sarkozy dénonçait la
spéculation financière comme facteur premier de l’augmentation des prix des
cultures. À ce moment, le prix du blé avait d’ailleurs augmenté de 70 %
entre mai et août.
Qu’est-ce que la spéculation
financière en agriculture?
En fait, le monde de l’agriculture a
besoin d’investisseurs, car il y a beaucoup de risques dans ce domaine. Le
producteur peut vendre à l’avance ses céréales à des intervenants financiers
qui prennent une partie de ces risques. Ces derniers peuvent acheter un
pourcentage des stocks et les revendre quand ils le veulent, à qui ils le
veulent et de la façon la plus rentable pour eux.
Évidemment, cette prise en charge de
risques doit être récompensée par des bénéfices, comme dans ce populaire exemple :
« En 2010, le fondateur du fonds
spéculatif Armajaro avait acheté près de 240 100 tonnes de cacao sur le marché
du NYSE Liffe, soit 15 % des stocks mondiaux – une opération
d'accaparement légale, connue sous le nom de "corner". Résultat :
les cours du cacao grimpaient à des niveaux records jamais vus depuis 1977. D'après Jeune Afrique, quelques années auparavant, une opération similaire sur du
cacao avait rapporté au fond quelque 60 millions de dollars de bénéfices. » (Le Monde, 2012)
Alors se pourrait-il que la
spéculation financière en agriculture occasionne la hausse exagérée des prix
des céréales que les consommateurs finiront par payer?
En ce moment, le monde de la finance n’a
jamais autant investi en agriculture.
« Olivier de Schutter explique que les
investisseurs financiers ont accouru sur ce marché quand d'autres déclinaient : "Celui
d'Internet a disparu à la fin de l'année 2001, celui des actions peu après, et
le marché immobilier américain en
août 2007. A mesure que chaque bulle éclatait, les grands investisseurs
institutionnels migraient vers un autre marché habituellement considéré, à
chaque fois, comme plus stable que le précédent." Bref,
pour le rapporteur de l'ONU, les matières premières agricoles sont comparables
à "d'autres
valeurs refuges, comme l'or”. » (Le Monde, 2012)
Votre bacon vous
coûtera plus cher en 2013. Votre jambon aussi, par le fait même. Puis, votre
filet mignon, votre bœuf haché, vos poitrines de poulet et vos grosses dindes Butterball.
Pendant ce temps, des
pays vivront leurs plus grandes crises alimentaires.
Et le marché
financier n’est régi par aucune loi concernant les investissements en
agriculture.
Je le rappelle,
aucune étude ne réussit à démontrer le lien de cause à effet entre la flambée
du prix des céréales et la spéculation financière, mais si toutefois il y avait
un lien, ce lien qui vous ferait payer plus cher pour vos produits de base et
qui provoquerait des famines afin d’enrichir davantage le marché financier…
On ne peut pas
résumer la situation actuelle dans le monde agricole à la spéculation
financière, mais on ne doit pas non plus en négliger son importance.
Sources