jeudi 27 septembre 2012

Pénurie de bacon



La nouvelle a fait le tour du monde rapidement : il y aura une pénurie de bacon en 2013. 





En fait, quand je dis « le tour du monde », je parle de celui des Occidentaux, évidemment. Ce ne sont pas les habitants d’un des 80 pays qui subiront une crise alimentaire au cours des prochaines années qui pleureront sur votre sort.  


Eux, les céréales, ils les mangent, ils ne les donnent pas à leurs animaux. En fait, plus simple encore : ils n’en ont plus et ils ne les mangent plus. 




Alors, semblerait-il que le prix du porc va augmenter au cours de la prochaine année passant d’environ 0,50 $ à 1 $ de plus le kilo. Pas le choix, les sécheresses ont fait grimper le prix des céréales et comme les animaux de ferme ne mangent que ça, il en coûte maintenant 180 $ pour élever un porc malgré le fait qu’il ne peut être vendu que 150 $ sur le marché. 


Ce n’est pas ce qui va aider les fermiers déjà surendettés à joindre les deux bouts.

Mais est-ce réellement à cause des sécheresses et des changements climatiques? 


On ne peut pas encore prouver de lien de cause à effet qui expliquerait tout, malheureusement. Mais d’autres pistes pourraient être considérées pour accuser cette hausse de prix des denrées de base comme la transformation des cultures alimentaires en cultures des agrocarburants ou… la spéculation financière!





En 2010, Nicolas Sarkozy dénonçait la spéculation financière comme facteur premier de l’augmentation des prix des cultures. À ce moment, le prix du blé avait d’ailleurs augmenté de 70 % entre mai et août.


Qu’est-ce que la spéculation financière en agriculture? 


En fait, le monde de l’agriculture a besoin d’investisseurs, car il y a beaucoup de risques dans ce domaine. Le producteur peut vendre à l’avance ses céréales à des intervenants financiers qui prennent une partie de ces risques. Ces derniers peuvent acheter un pourcentage des stocks et les revendre quand ils le veulent, à qui ils le veulent et de la façon la plus rentable pour eux.


Évidemment, cette prise en charge de risques doit être récompensée par des bénéfices, comme dans ce populaire exemple : 


« En 2010, le fondateur du fonds spéculatif Armajaro avait acheté près de 240 100 tonnes de cacao sur le marché du NYSE Liffe, soit 15 % des stocks mondiaux – une opération d'accaparement légale, connue sous le nom de "corner". Résultat : les cours du cacao grimpaient à des niveaux records jamais vus depuis 1977. D'après Jeune Afrique, quelques années auparavant, une opération similaire sur du cacao avait rapporté au fond quelque 60 millions de dollars de bénéfices. »  (Le Monde, 2012)







Alors se pourrait-il que la spéculation financière en agriculture occasionne la hausse exagérée des prix des céréales que les consommateurs finiront par payer? 


En ce moment, le monde de la finance n’a jamais autant investi en agriculture

« Olivier de Schutter explique que les investisseurs financiers ont accouru sur ce marché quand d'autres déclinaient"Celui d'Internet a disparu à la fin de l'année 2001, celui des actions peu après, et le marché immobilier américain en août 2007. A mesure que chaque bulle éclatait, les grands investisseurs institutionnels migraient vers un autre marché habituellement considéré, à chaque fois, comme plus stable que le précédent." Bref, pour le rapporteur de l'ONU, les matières premières agricoles sont comparables à "d'autres valeurs refuges, comme l'or”. » (Le Monde, 2012)





Votre bacon vous coûtera plus cher en 2013. Votre jambon aussi, par le fait même. Puis, votre filet mignon, votre bœuf haché, vos poitrines de poulet et vos grosses dindes Butterball.


Pendant ce temps, des pays vivront leurs plus grandes crises alimentaires.

Et le marché financier n’est régi par aucune loi concernant les investissements en agriculture.


Je le rappelle, aucune étude ne réussit à démontrer le lien de cause à effet entre la flambée du prix des céréales et la spéculation financière, mais si toutefois il y avait un lien, ce lien qui vous ferait payer plus cher pour vos produits de base et qui provoquerait des famines afin d’enrichir davantage le marché financier…

On ne peut pas résumer la situation actuelle dans le monde agricole à la spéculation financière, mais on ne doit pas non plus en négliger son importance.

Et comme il est mentionné dans cette vidéo : « Le blé ne peut pas devenir un produit de luxe. »



Sources