lundi 17 décembre 2012

Spécial Noël : une visite dans le Nord



On sait que le Père Noël habite dans le Nord depuis toujours, qu’il ne travaille qu’une fois par année et qu’il se la coule douce avec Mère Noël tout en buvant des cafés Baileys. Mais quand on n’a pas de traîneau magique ou de petit renne au nez rouge et qu’on travaille pour vrai, comment se passe la vie au quotidien dans le froid glacial?


Depuis la rentrée des classes, Christian Méthot enseigne à l’école St. Patrick High School à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada. Aventurier dans l’âme, il a quitté sa petite ville de Baie-Comeau au Québec pour vivre une expérience d’enseignement hors du commun. Entre deux randonnées à dos de caribou, il a gentiment accepté de s’installer devant son ordinateur et de répondre à nos questions.


Baissez le chauffage, enfilez votre Canada Goose et en avant la découverte!





Prévisions du 17 décembre... Ouais, il fait frette!


Les Amérindiens habitaient en sol ténois bien avant ton arrivée. Le nom de « Yellowknife » tire même ses origines de l’ancienne tribu des Couteaux-jaunes. Aujourd’hui, les Autochtones représenteraient environ 22 % de la population (merci Wikipédia). Comment sens-tu l’influence des Premières Nations dans ta petite ville en général, mais surtout, par rapport à l’alimentation?

En effet, la population autochtone est omniprésente à Yellowknife. L’alimentation demeure tout de même typiquement nord-américaine. Le poisson frais du Grand Lac des Esclaves et la viande de bois sont cependant bien implantés dans le régime ténois.


Mange-t-on aussi les écureuils? Ça, on ne le saura jamais.
Crédit photo: Christian Méthot

La question qu’on se pose : la diète des gens venue du Sud a-t-elle affecté celle des autochtones autant qu’elle le fait au Québec? Eh bien, sachez que j’ai rencontré ici les plus minces et beaux spécimens d’Amérindiens. Cela s’explique, entre autres, par le fait que le McCadeau empoisonné de la nourriture nord-américaine over-grasse, sucrée et salée ne fait partie de leur alimentation que depuis peu dans le Nord, comparativement à plusieurs siècles en ce qui concerne le Québec.


Ronald est PARTOUT!
Crédit photo: Christian Méthot


On sait qu’il y a du pergélisol à Yellowknife grâce à nos cours de géographie du secondaire, mais comme il n’est pas là en permanence, y a-t-il quand même un peu d’agriculture? Est-ce qu’il est possible de se créer des minis potagers à la Ricardoooo?

Comme on peut se l’imaginer, le climat n’est pas très propice à l’agriculture. Pratiquement pas de légumes frais cultivés sur place. La seule chose qui pousse bien, dans le coin, c’est les légumes surgelés. Les gens font pousser ça dans leurs « Arctic Gardens ».


Centre-ville de Yellowknife
Crédit Photo: Christian Méthot

Mais sans rigoler, c’est drôle que tu me poses cette question, car ici, personne n’a de potager. Personne sauf… ma coloc! Elle s’est « patentée » ce qu’elle appelle un tower garden. Une espèce de pot à fleurs avec une colonne centrale en hauteur qui pompe l’eau dans les différents compartiments où on retrouve tomates, fraises, zucchinis, basilic et autres herbes. Ledit tower garden, qui jusqu’alors semblait être une bénédiction, nous causa son lot de problèmes lorsque la saison hivernale arriva et que ma coloc, frappée d’un éclair de génie, décida de le mettre à l’intérieur. Depuis ce temps-là, y’a des mouches à fruit chez nous.


On entend souvent que la laitue coûte une fortune dans le Grand Nord, qu’il est impossible de manger des fruits et légumes sans s’endetter. Est-ce vrai? Un végétarien peut-il survivre à Yellowknife ou doit-il se résigner à manger du jerky de caribou?

Sérieux, ce qui coûte cher ici, c’est surtout le loyer (1800$/mois pour un trois et demi à peine décent). Je me suis déjà obstiné avec un de mes amis au sujet du prix des bananes dans le Nord. Notez bien que j’ai gagné le débat, car la livre de bananes est plus chère à Fermont qu’à Yellowknife! Il semblerait qu’il n’y ait aucune corrélation entre la latitude et le prix de la banane. Je connais des végétariens qui se débrouillent très bien. Cependant, je ne dis pas non à une bonne dose de lipides de temps à autre. Lorsqu’il fait -40 avant le facteur vent, ça isole!


L'épicerie! 
Crédit photo: Christian Méthot


D’où proviennent les produits d’épicerie que vous retrouvez à Yellowknife? Et comment les villages avoisinants s’approvisionnent-ils? C’est vrai l’histoire des routes de glace, le fait qu’il y a des camions qui roulent sur l’eau gelée durant l’hiver?

Tout ça nous vient du Sud, tout comme la plupart des produits qu’on nous vend dans les supermarchés québécois. Et oui, les routes de glace, ça existe (seulement l’hiver) et ça diminue considérablement la run entre Yellowknife et Edmonton. Ici, on est habitués à ce que le « truck » n’arrive pas le lundi. C’est aussi une très mauvaise idée de tenter de faire les courses le dimanche. Y’a rien sur les tablettes. J’ai déjà fait trois épiceries pour trouver du steak haché, sans succès!


Vue de la classe où enseigne Christian
Crédit Photo: Christian Méthot


En ce qui concerne les restaurants, quels sont les mets tendance à Yellowknife? Est-ce que l’offre est bien différente de celle du Québec?

Oui, c’est différent. Il n’y a pas vraiment de magasins spécialisés et c’est aussi vrai pour les restos. La plupart des restaurants et des bistros tiennent un menu typique avec hamburgers, sandwichs, pâtes, steaks, etc. On compte aussi deux sushis shop, deux restos vietnamiens et un buffet chinois avec des mets tout ce qu’il y a de moins chinois et de vrais Chinois qui parlent seulement le chinois (ça semble être un pré requis).

Le meilleur resto, à Yellowknife, est aussi celui avec le pire service (comme quoi rien n’est parfait). Au Bullocks Bistro, on te sert rarement dans un délai d’une heure, on t’ignore, on n’accommode pas les allergies et les intolérances, on te crie d’aller te resservir à boire toi-même, mais on te sert le meilleur poisson que tu aies jamais mangé, et les portions sont pas pour les « chocottes »! This is how we do in Yellowknife. Une facture de plus de 50$ pour un repas bien ordinaire, c’est gangster!


Hot beer, lousy food, bad service, welcome!


Quelqu’un m’a déjà dit que si tu ne buvais pas à Yellowknife, la vie pouvait sembler bien ennuyante… Après avoir vu une trentaine d’aurores boréales à couper le souffle, comment se divertit-on à Yellowknife quand le soleil se couche vers 15 heures?

Il faut définitivement faire du sport! Cependant, pour quelqu’un qui aime jouer de la musique comme moi, c’est très dur de trouver un band. La scène musicale ici est plutôt du genre hippie et désorganisée. Ça joue de la guitare en gang dans une maison-bateau ou autour d’un foyer. Je revois constamment les deux mêmes bands live depuis que je suis arrivé!


Des maisons qui ressemblent à des bateaux ou des bateaux qui ressemblent à des maisons...
Crédit Photo: Christian Méthot

Pour compenser, on peut aussi s’adonner à des activités caractéristiques de la vie dans le Nord telles que le kite-skiing, le traineau à chiens, la motoneige, la chasse, la pêche, la construction de châteaux de neige (c’est populaire). Bref, pour qui veut s’occuper, il ne manque pas d’activités ou de clubs en tous genres.


On peut aussi faire des activités intérieures!
Crédit photo: Christian Méthot


Et si on décide d’oublier les divertissements pour les moins de 18 ans parce qu’on n’est pas une petite nature, qu’est-ce qu’on boit à Yellowknife? Y a-t-il des bières locales? Quels sont les bars branchés du coin? Est-ce que les Ténois sont de bons buveurs?

On boit de la Old Style Pilsner, de la Traditionnal Ale, de la Yukon Gold et de la Kokanee! J’ai pas encore trouvé de Pabst. En ce qui concerne les spiritueux, la liste est sensiblement la même qu’au Québec, c’est le prix de la vente au détail de l’alcool qui diffère : 56$ pour une caisse de 24 et 20$ pour une très réputée bouteille de Fuzion.


Crédit Photo: Christian Méthot

Mais la faune locale ne se laisse pas décourager pour autant, ça boit quand même! Trois étapes faciles garantissent le succès d’une bonne brosse : se mettre chaud, se penser invincible, poigner des engelures!

À Yellowknife, les propriétaires de bar accordent une grande importance au décor de leur établissement. Aussi donnent-ils régulièrement des coups dans les murs pour être certains de conserver l’ambiance « gyproc magané ». Les gens s’en foutent et s’en vont tout de même dans ces tavernes (où j’ai eu, je suis forcé de l’admettre, parfois un peu trop de fun) pour payer leurs drinks en fou. AUCUNE MICROBRASSERIE, à mon grand dam. Je m’ennuie de l’Archibald, la Barberie et Dieu du ciel comme pas possible!


Selon les Internets, il y a une communauté francophone assez active à Yellowknife. As-tu réussi à trouver des Québécois? Est-ce qu’on mange de la poutine là-bas? Est-ce que les Ténois détestent les Québécois comme les Albertains (tendance Wildrose party) du documentaire Les États-Désunis du Canada?

15% de la population de Yellowknife se débrouille en français. Impressionnant, non? L’association franco-ténoise tient ses quartiers généraux dans la maison bleue, là où tout francophone ou francophile est accueilli chaleureusement. Il y a un journal français et aussi un poste de radio. J’ai vu plusieurs Français, des Belges, des gens du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Afrique francophone. Aussitôt que mon accent est démasqué par un individu francophone, la conversation s’engage généralement dans la langue de Molière.




Je n’ai pas l’intention d’écouter Les États-Désunis du Canada (je ne connais pas grand-chose à la péréquation et je me la ferme à ce sujet, les auteurs de ce documentaire devraient faire de même), mais j’ai vu la bande-annonce. Heureusement, dans le melting pot glacial qu’est Yellowknife, la tolérance est de mise. Le dernier vote au fédéral a été fortement néo-démocrate.

Et oui, on connait la poutine ici, c’est d’ailleurs la première chose que j’ai mangée en arrivant, question de me dépayser bien comme il faut. Or, la curd n’est pas d’aussi bonne qualité que dans la belle province.


Ici, on sert de la poutine!
Crédit Photo: Christian Méthot


En terminant, sans vouloir te diriger lentement vers l’alcool et la dépression, Yellowknife, contrairement à sa voisine du nord Whitehorse, est située géographiquement au bout d’une route. Avec les températures glaciales et le manque de lumière a-t-on parfois l’impression d’y être pris au piège ou au contraire, c’est la plus belle ville du monde?

La ville en elle-même n’a strictement rien d’impressionnant, petite capitale provinciale de 20 000 habitants (notez que seulement deux liquor store desservent tous ces assoiffés, je n’ai pas encore compris le concept). Pour le manque de soleil, même si je ne suis pas fanatique des suppléments, je prends de la vitamine D comme le Yellowknifer moyen.


C'est l'hiver!
Crédit Photo: Christian Méthot

À ceux qui aiment le plein air, le frette et l’aventure, je suggère de venir vivre l’expérience de Yellowknife. Il y a un roulement constant de travailleurs qui viennent et qui vont. Ce n’est pas vraiment une ville faite pour écouler ses vieux jours, l’âge moyen étant de 32 ans comparativement à 40 pour le reste du Canada. Somme toute, malgré de bons amis et d’excellentes conditions de travail que je ne retrouverai jamais chez nous, je m’ennuie du Québec!


Il faut toujours terminer une entrevue avec une photo d'animal cute.
Crédit Photo: Christian Méthot


Un énorme merci à Christian Méthot pour cette magnifique entrevue. Nous te souhaitons un excellent temps des Fêtes au Québec avec ta famille et tes amis!

***

Demain, notre Spécial Noël se poursuit avec un expert en vins de la SAQ qui vient nous dire ce qu'il faut boire en écoutant Astérix à Ciné-Cadeau et en mangeant des sandwichs pas de croûtes! Restez des nôtres!

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