dimanche 18 décembre 2011

Décharge dominicale : Manger tout seul


C'est un moment de grâce - manger tout seul. Quoiqu'en pensent les gens qui parlent hauts et forts à la table voisine ou quoiqu'en disent les recherches des psychologues sur le sujet - je m'inspire ici d'un papier du Globe and Mail publié, cette semaine, je ne sais plus quel jour, je ne l'ai pas avec moi, il ne me tient pas par la main, j'y vais de mémoire, je ne citerai pas alors ce n'est pas tout à fait une source. C'est juste qu'un flot de situations plus ou moins personnelles m'a renversé en le lisant. 

Paraît que c'est gênant se rendre tout seul au resto et manger de l'entrée au dessert - peinard. Que tous les petits yeux finissent par se fixer sur nous, qu'un phare provenant du plafond nous isole de la société bruyante qui nous entoure. Qu'en toute inconscience, le solitaire dévore tout ce qu'on lui présente afin de ficher le camp au plus vite de la place sans trop laisser de miettes de honte.

OK, on s'entend, je vais plus souvent accompagné au resto qu'en solo - comme la plupart d'entre vous, j'imagine - sinon vous êtes des êtres asociaux et potentiellement dangereux - des bizarres, des étourdis, des fuckées de l'apocalypse - attention - vous cachez sûrement un couteau à steak dans votre sacoche - attention - vous pouvez vous couper en cherchant votre petite serviette humide pour essuyer votre sale gueule de loner.

Pas la peine de me remercier. Vous savez maintenant ce que les bêtes sociales pensent de vous.

Et pourtant.

Instant de bonheur, de paix. Enfin, je me gâte. J'attends chacun des petits plats en lisant les quotidiens présents ou le Voir. J'essaie de pas trop m'en faire s'il n'y a que le Journal de Québec de disponible - alors je fais comme ses dits lecteurs, je regarde les images - ou je saute illico à la section des sports, coin statistiques des équipes et des joueurs, sommaires et compagnies.

Mais si tout est presque parfait - donc que la lecture est bonne et jouissive, que la bouffe l'est tout autant, alors - scandale ! - je vais lire tout en mangeant !

On me dit que ce n'est pas bien. Qu'on ne savoure pas correctement la nourriture quand notre esprit est occupé ailleurs.

Halte ! Peut-on réfléchir, marcher et respirer tout à la fois ?

Il y a toutes sortes d'animaux. Je les aime. Ils sont drôles.

***

Tant qu'à être dans le sacré, laissez-moi vous présenter mon heure de dîner. En fait, que dis-je, ma demi-heure - puisque certaines entreprises n'ont rien compris à toutes les dimensions existentielles reliées à l'acte de manger et nous ne laissent pas le temps de roter notre repas.

Je travaille devant public - rires en canes, crises de nerfs, bonne journée ou paye pis décrisse - alors quand je suis en pause, quand je mange ce lunch que je me suis préparé et que je lis - non mais, c'est une manie ! - je ne veux pas qu'on me dérange. Le public n'est plus là, il n'existe plus. 

Je médite et je me brosse les dents après.

***

Une dernière confession. Des fois, comme ça, je bois tout seul, pis pas juste du lait bio. Une bouteille après l'autre, je me grise, comme ça, assis sur une chaise, sur mon balcon, et j'écoute de la musique en observant les gens qui passent.

Et je ne me sens pas coupable du tout, votre honneur.

Et ça ne vous enlève rien, mes amis.

Car d'une certaine façon, vous ne me quittez jamais.