Un sujet d’actualité qui passe sous le radar mais qui pourrait avoir un impact important sur l’offre alimentaire des années à venir : depuis deux ans, le Canada négocie un accord assez étroit de libre-échange avec l’Union européenne, qui pourrait voir le jour d’ici 2013.
D’un côté, il y a Ottawa et ses succursales – ou Papa Fédéral et ses maîtresses provinciales – et de l’autre, Bruxelles, capitale des 27 pays membres de l’UE. Le représentant du Québec est l’ancien PM Pierre Marc Johnson, qui agit tantôt comme un conseiller, tantôt comme un observateur – statut politique du Québec oblige.
On le sait, les pourparlers de ce type d’ententes ne se déroulent que trop rarement – puisqu’il ne faut jamais dire jamais – sur la place publique. Les informations qui peuvent alors nous parvenir sont filtrées et bien souvent, expirées depuis des mois.
Cela dit, côté gros chiffres astronomiques qui dans le fond n’en disent pas tant, cet accord représenterait pour le Québec l’accès à un marché facilité de 500 millions d’habitants et – tenez-vous bien, prenez un gorgée de café ou de ce que vous buvez en ce moment, mais prenez soin de bien avaler – plus de 30 milliards $ par année de contrats publics seulement pour le gouvernement québécois.
Vite, donnez-moi les papiers et dites-moi où signer, crisse !
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Une minute, s’il vous plaît – pour notre patrimoine.
D’un côté comme de l’autre, les craintes et les interrogations commencent à pointer leurs bouts du nez.
Le député péquiste Alexandre Cloutier : « Si on entre là-dedans, on touche à nos politiques d’achat local, de développement local ; en fait, à notre capacité de mettre en œuvre des politiques de développement économique. À la possibilité, aussi, de préférer des entreprises à caractère social. »
La députée indépendante Louise Beaudoin : « L’intérêt des Européens, ce sont les marchés publics. C’est pour ça que, contrairement à (ce qui se passe) à l’Organisation mondiale du commerce, se trouvent cette fois sur la table les marchés publics des provinces et des municipalités. »
De l’autre côté de l’Atlantique, Frédéric Viale, militant membre du conseil d’administration d’Attac-France, qui redoute un nouveau chapitre 11 de l’ALENA : « Des entreprises qui ont des moyens infinis vont menacer des collectivités locales. »
Le fameux et controversé chapitre 11 de l’ALENA, la bête noire des altermondialistes ! J’en ai glissé un mot lors de mon dernier article.
Par exemple, un État veut bannir un produit, à cause d’un additif nuisible pour la santé ou l’environnement, selon ses lois. La multinationale, qui vend le produit, courroucée, crie qu’il n’y pas assez de preuves et poursuit l’État, qui finira par s’excuser publiquement et par payer des millions $ en compensation.
Et cela vaut aussi pour les dites « préférences locales ».
On s’en doute, ce sont les grosses compagnies qui salivent devant les ententes commerciales, pas les petites entreprises, qui n’ont tout simplement pas les moyens d’en profiter et qui misent sur les ventes locales et régionales. Et ce n’est pas notre ventre qui devrait se plaindre.
D’où là l’importance de nos choix alimentaires. Avec de plus en plus de gros joueurs dans la mêlée, manger n’aura jamais – tu l’as dit ! – été aussi politique.
(Sources : Le Devoir, Gaétan Pouliot, mercredi 7 décembre 2011 ; Le Soleil, Jean-Marc Salvet, mercredi 7 décembre 2011)
Chronologie d’un libre-échange : http://w.ledevoir.ca/economie/actualites-economiques/337758/le-libre-echange-en-quelques-dates
Pour en savoir plus sur le chapitre 11 de l’ALENA. N.B. À lire en milieu de journée, les risques de piquer des clous peuvent être fortement présents tout prêt du lit : http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/nafta-alena/gen-nafta.aspx?lang=fra&view=d