vendredi 13 janvier 2012

« Des créatures d’habitude »


L’autre jour, ma mère m’appelle pour souligner mon anniversaire. Je ne l’ai pas remercié simplement pour le coup de fil. Mais pour toute cette patience ponctuée de nombreux efforts déployés il y a 32 ans pour ma mise à monde – douze heures entre les premières contractions et mes premières chansons.

Chaque réveil est pour moi une nouvelle naissance. Je reviens indemne ou presque du fascinant pays des rêves – des réponses ci et là et d’autres questions subconscientes qui remontent à la surface – la roue tourne et nous sommes des moulins.

Je ne suis pas un pressé. Allez se coucher – pas tout de suite. Bien au chaud sous mes couvertures – encore un p’tit peu. Et c’est après ce « p’tit peu » qu’il faut que je me grouille, alors j’opère.

J’ai l’habitude. J’avais une dizaine d’années à peine et je me couchais tard. Tout ça pour savoir avant de dormir les résultats sportifs de la soirée – à 23 heures. Il n’y avait pas de chaînes spécialisés à l’époque – fallait attendre et se taper le Téléjournal et le Point. Quelle galère ! Toutes ces informations dans ma p’tite tête pour enfin voir le but d’un tel sur un superbe jeu d’un autre – ce qui compte vraiment dans la vie.

Ce que ça peut bouleverser les perceptions d’un garçon, ce qui se passe dans le monde.

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Chaque matin, ma mère criait mon nom de la cuisine pour que je descende de ma chambre au plus vite, pour déjeuner et prendre l’autobus. Immanquable. Et je finissais par apparaître, encore dans les vapes, prenant ma toast au beurre de peanuts d’une main et mon sac de l’autre en vitesse, sur la ligne de départ pour courir après l’autobus – une autre fois.

Voilà. Le sujet sort du sac. Le prix du pot de beurre d’arachides augmente de 35% dans les prochains jours – Boum !

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Je n’en consomme presque plus, alors ça ne change pas grand-chose dans mon petit déjeuner. J’ai dû en faire une overdose. On m’a engraissé au beurre de peanuts tartiné sur du pain blanc grillé et au gruau – érable et cassonade.

J’en parle parce qu’en moyenne, par personne, nous consommons trois kilos d’arachides par année.

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80 % de nos arachides proviennent des États-Unis – qui sont le quatrième producteur mondial, derrière la Chine, l’Inde et le Nigéria.

Deux années de suite de sécheresses records au Texas et en Géorgie – et hop ! – une baisse de 13 % de la production et une hausse de deux piasses du pot.

Et peut-être faudra-t-il payer plus cher pour le panier de peanuts à décortiquer, quand on boit une bière dans le petit bar du quartier, en regardant le Canadien se faire planter.

C’est beau l’assonance en « é » et tellement accessible, hé !

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« Les clients sont des créatures d’habitude », dixit Jordan Lebel, professeur de marketing alimentaire à l’Université Concordia.

Voyons voir la réaction des consommateurs. Payeront-ils le prix ou choisiront-ils des alternatives ?

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Me semble qu’il y a longtemps que je n’ai pas mangé ce combo de collation d’après-midi classique, 
le sandwich grillé au beurre de peanuts et à la confiture de fraise.

Ce qui ne m'empêche pas de chanter et de danser !





Sources : Le Soleil, mercredi 11 janvier 2012

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2011/10/13/008-arachides-prix-secheresse.shtml