J’avais remarqué cette manie chez papa. Vers minuit, il descendait à la cuisine, se versait un grand verre de lait et s’attaquait à une boîte de gâteaux. Disons-le, il se gâtait.
Dans ma tête de petit garçon, j’ai dû me dire : « S’il le fait, alors pourquoi pas moi ? ». On apprend beaucoup par mimétisme à cet âge-là - plus tard aussi, d’ailleurs. C’est fort, la psychologie.
Peut-être je me disais, comme ça, que c’était là une belle occasion d’avoir une activité père-fils. C’est qu’on ne se voyait pas souvent. Il travaillait, j’allais à l’école ; le jeudi, je l’accompagnais à l’épicerie et tous les soirs, je jouais dans le sous-sol et lui dans le salon – à Tetris, sur le bon vieux Gameboy.
Alors, une de ces nuits, je me suis retrouvé à la cuisine, je me suis versé un grand verre de lait et j’ai ouvert une boîte de gâteaux, que j’ai laissé au centre de la table. Puis, je l’ai entendu descendre les escaliers. Qu’allait-il faire ?
Il a fait comme d’hab. Il n’a pas dit un mot. Je le regardais par-dessus mes lunettes, en silence. Son rituel semblait être calculé au quart de tour. Peut-être était-il somnambule ?
Chacun à son bout de table, on bouffait des gâteaux et on s’envoyait des lampées de lait. Puis on se racontait notre journée.
Lui : « Scrontch, glob, slurp, miam, scrontch, glob ! »
Moi : « Glob ? Scrontch, slurp, glob, miam, slurp ! »
Puis, une fois rassasiée, on retournait se coucher. Et j’étais ravi. J’avais passé un moment fort agréable avec papa.
***
Le lait est un vieux comparse, un compagnon d’apprentissage. Et il se marie bien avec la nourriture en bouche.
Comme avec les biscuits.
Ça, c’était ma routine. Je rentrais de l’école, saluais ma grand-mère, discutais un peu, prenais le journal, la pinte de lait, la grosse boîte de biscuits et m’installais au bout de la table. Et je lisais tout en me régalant. Seulement le cahier des sports, les premières années, puis, en vieillissant, le journal au complet – sauf la section économique, parce que je trouvais ça plate. Et puisque c’était un peu plus long comme lecture, alors je bouffais une rangée de biscuits de plus. Ensuite, j’étais fin prêt et j’allais rejoindre mon pote Simon, puis on jouait au hockey le restant de l’après-midi.
Suffit d’y repenser et j’y vois là un moment fondateur de ma personnalité. Encore aujourd’hui, quand je me tape une revue de presse dans le but de trouver un sujet pour un prochain message que vous finirez par lire sur ce blogue, j’aime bien accompagner ma lecture d’une boîte de biscuits et d’un verre de lait.
Toutes ces histoires pour vous présenter mon sujet et ma découverte de la semaine : le lait biologique. Oui, j’ai basculé. Oui, j’ai osé mettre quelques sous de plus pour assouvir ma curiosité – ok, il était en spécial et dans ce temps-là, la petite gêne prend le bord.
Alors, je retourne à mes recherches, je vais faire mes devoirs et je reviens là-dessus.
L’instant d’un message, j’aurai bercé mes illusions.