dimanche 27 novembre 2011

Décharge Dominicale : Sur les pubs


J’ai une plume aiguisée entre les dents aujourd’hui. Et une autre – plus grande – entre les mains. L’écume aux lèvres, entouré de meutes publicitaires : qu’ils y viennent !

Ils sont partout, ces chantres de la pub, ces vendeurs de pacotilles, ces gens qui nous prennent pour des lanternes. Ouvrez vos bouches, bonnes gens, que l’on déverse nos slogans, nos désinformations, nos dits nouveaux produits naturels, nos chants de sirènes vierges et offensées, nos papas qui sont plus forts que les vôtres.

Ils sont partout : dans les journaux, à la télé, sur la toile, dans les chiottes – plus moyen de pisser en paix ! Ce qu’ils nous disent, derrière des formules léchées : vous êtes des demeurés, des incapables, vous avez besoin de nous, achetez avant qu’il ne soit trop tard, avant que votre voisin se pavane devant vous avec rien de plus que son sourire innocent – procurez-vous ces dents séchées, tant par mois, obtenez-les tout de suite, changez le mal de vivre de place – nettoyage gratuit si vous payez comptant !

Des experts se prononcent : quel est le meilleur café dans les grandes chaînes du pays ? Rien à foutre. Le meilleur se trouve à deux coins de rue de chez moi, à la brûlerie, et bientôt, sortant tout chaud de mon torréfacteur.

On veut me faire croire que les porcs ont changé, qu’ils sont moins gras. Quoi ? Ne me dites pas…Ils font de l’exercice ?

Mangez du yogourt, une bouchée et votre future taille svelte va se mettre à danser. On le recommande aussi à vos enfants. Notre produit est gavé de pro-biotiques, ce qui sert aussi à engraisser les poulets et les cochons plus rapidement, mais ce n’est pas grave. Du moins, tant qu’il n’y aura pas un scientifique pour nous démasquer.

Mets ça dans ta pipe, Danone !

***

- As-tu vu la pub, là, tu sais celle-là, tellement drôle…
- Non, monsieur. Je ne l’ai pas vu. En passant, votre temps de parole est écoulé. Vous pouvez disposer.

***

Je me répète et qu’on se le dise, je n’ai pas la télé. C’est un choix. Ce qui ne m’empêche pas de penser à vos centaines de canaux et à tout le matraquage publicitaire qui les accompagne.

Quand je vais chez ma mère, par exemple, et que je regarde la télé, manette dans la main, dès qu’il y a une pub, zappe, je change de poste. Maman se croise les bras. Elle n’aime pas ça. Je m’excuse, ma très chère. Je suis allergique.

Des fois, j’oublie ce que je regardais et je me stationne à un autre poste – jusqu’à la prochaine pub. « Tu n’écoutais pas cette émission, tantôt ? », qu’elle me dit. Ah, c’est vrai, les fichues pubs doivent être finies. Et j’y retourne, un peu, puis zappe ! Le nouveau produit bouffe super chouette, « tu m’auras pas ! »

Pour conclure, une citation, datée de 1951, de l’essayiste canadien Marshall McLuhan, pour appuyer mon propos :

« Notre époque est la première où des milliers d’esprits parmi les plus brillants ont pour travail à plein temps de pénétrer l’intelligence collective pour la manipuler, l’exploiter, la contrôler. L’exposition constante aux ornières de la publicité et d’une grande partie du divertissement plonge le public dans un état d’impotence mentale. (…) Comme ces forces commerciales sont beaucoup plus riches et influentes que nos pauvres écoles et universités, il serait approprié de renverser le processus et d’aider le public à devenir conscient de l’opération qu’on lui fait subir d’une manière subliminale. »

- Dans The Mechanical Bride

J’ai choisi mon camp et tout ce que je veux, c’est la vérité, donnez-moi de la vérité…



John Lennon, Gimme Some Truth.