vendredi 25 novembre 2011

Pour Arthur et tous les porcs du Québec


Son nom, c’était Arthur. Il avait une compagne, Antoinette. C’étaient des cochons. Ils vivaient ensemble dans la grange à l’oncle Normand. Et ce n’était pas très romantique. Arthur était castré – alors on oublie ça, les cochonneries. Ce n’était pas le but de l’expérience, de toute façon. Fallait simplement qu’il grossisse, Arthur. Qu’il bouffe sans arrêt.

Chaque fin de semaine, on allait le voir – on les avait les activités familiales dans les années 80. Moi, Freluquet Jambon – c’était mon sobriquet à l’époque – je constatais à l’œil que l’expérience fonctionnait et je l’imaginais déjà en pièces détachées dans mon assiette. De son côté, Petite Tofu – elle n’était pas encore docteure – le caressait, lui prodiguait des conseils, lui racontait sa journée et le trouvait cute.

Puis, un jour, j’ai ouvert le gros congélateur dans le sous-sol et j’ai trouvé des petits paquets avec le nom « Arthur » inscrit dessus. On allait se nourrir de ce bon vieux Arthur pendant quelques années. J’étais un visionnaire.

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Au cours des cinq dernières années, le nombre de fermes porcines a diminué de 26 % au Québec. Mais il y a 9% plus de porcs. C’est froid, l’hiver québécois. Mieux vaut être bien entassé pour se réchauffer.

Il y a moins de fermes indépendantes – celles où les cochons sont moins nombreux, où on les connaît tous par leurs petits noms. Elles sont passées de 916 à 756. Et il y a autant de ce qu’on appelle « entreprises porcines à forfait », ou « producteurs industriels », ou même « producteurs à cravate », soit 291.

Ces entreprises à forfait, c’est l’intégral : une ferme, une meunerie et parfois un abattoir. Un tout-inclus. « Ils peuvent posséder des centaines de milliers d’animaux disséminés dans des dizaines de fermes différentes ». Dans ce contexte, la parenté entre les verbes « disséminer » et « décimer » semble plus qu’assonante. Elle est plutôt assommante – François Pérusse, ce n’est pas le moment…

Au fait, le Québec, c’est une production de 7,7 millions de porcs par année. À chaque Québécois, son cochon.

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Ceux-ci n’ont pas bonne presse, ni bonne réputation. « Tu manges comme un cochon », « ce pervers est un sale porc » ou « vite, ta bouteille, dans ton manteau, vite, v’là les cochons ! ».

À en croire les nombreuses expressions, l’homme semble indissociable du cochon.

Les Romains disaient : « L’Homme est un loup pour l’Homme »

« Homo homini porcus », aujourd'hui je dis.

(Source : Le Soleil, « Moins de fermes, plus de bêtes », jeudi 24 novembre 2011)

Une chanson pour résumer ma pensée, écrite entre les lignes dans ce message. Piggies, des Beatles, par George Harrison.